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i-Tromsø
7 octobre 2008

Tromsø 2018 (2006-2008)

Cela fait un moment que je voulais parler de Tromsø 2018. Vous tenir au courant de ce qu'il se passait, les développements, les débats, les prises de position... Depuis au moins deux ans, deux ou trois articles par semaine dans le Tromsø Bladet ! Il fallait bien que je finisse par écrire un article là-dessus.

Tromso2018_logo

Tromsø/Romsa (en sami). A Tromsø, un grand nombre de panneaux sont écrits dans les deux langues, norvégienne et sami.

J'ai attendu, j'ai attendu... Et j'ai bien fait d'attendre. Car je peux maintenant vous proposer un bilan historique complet de cette histoire.

Mais d'abord, qu'est-ce que Tromsø 2018 ? Non, contrairement à ce que le logo pourrait suggérer, il ne s'agissait pas d'organiser les JMJ à Tromsø, mais les Jeux Olympiques d'hiver. Cela fait un moment que l'idée d'organiser les JO ici est dans l'air : dans l'éventualité d'Olympiades en 2014, il avait été évoqué, en 2003, de construire des installations de sports d'hiver sur le Sálašoaivi, mais certains Sami s'y étaient opposés (ce qui avait ammené le Parlement Sami, en 2004, à déclarer la montagne "sacrée").

La Norvège ne s'est pas lancée dans la course pour 2014 (les JO d'hiver 2014 auront lieu à Sotchi / Сочи , dans le Caucase, à deux pas de la Tchétchénie et de la Géorgie, bref des endroits où l'on a envie de passer ses vacances). Mais 2018 semblait l'année de la Norvège - du moins commençait-on à s'en persuader dans le pays. Trois villes étaient en compétition : Oslo, qui a déjà organisé les jeux d'hiver en 1952, Trondheim, et Tromsø. Chaque ville a monté un dossier, et l'on peut dire que Tromsø s'est donnée à fond : soutien des entreprises locales, de la municipalité, et d'une bonne partie de la population (environ 70% d'opinions positives), réalisation d'un clip, logo un peu partout, lobbying...

09_08_08_Tromso__68_
Les locaux du comité d'organisation

La vidéo, toute en images de synthèse, des sites prévus pour les épreuves et les cérémonies d'ouverture et de clôture.

Et ça marche ! Le vendredi 30 mars 2007, Tromsø est officiellement choisie pour représenter la Norvège (à une voix près, devant Oslo). C'est l'euphorie ! Il faut dire que la ville a ses chances : neige quasi assurée en février-mars, population motivée (cf. le succès populaire de Lillehammer en 1994), site exceptionnel (en bord de mer et dans l'Arctique, avec les aurores boréales !), une culture locale très spécifique en plein territoire Sami, et beaucoup d'argent et de sérieux, donc l'assurance pour le CIO que tout serait en ordre à l'ouverture des Jeux (et cet aspect aurait d'autant plus joué en 2011, au moment du choix du CIO, qu'à mon humble avis, à Sotchi, ça va être le bazar - car n'oublions pas que c'est le Far-West là-bas, et qu'en plus tout est à construire).
Voila ce que j'avais prévu d'écrire dans mon article, si je l'avais mis en ligne il y a une dizaine de jours, comme j'en avais l'intention.

MAIS

La situation a brusquement changé le 30 septembre dernier. Jusque-là, tout vivotait paisiblement, les opposants s'opposaient en disant que l'argent des Jeux serait mieux utilisé à construire des routes, des écoles et des hôpitaux - argument du parti Rødt ("extrême"-gauche) et du FrP (extrême-droite) - tandis que le comité d'organisation, confiant, parlait de retombées économiques, de plaisir du sport, et de chance pour toute la région. Alors vint le coup de tonnerre dans un ciel clair d'automne.

Un audit avait été demandé concernant l'aspect financier des Jeux. Lors du dépôt du projet, Tromsø 2018 avait été évalué à 15,5 milliards de couronnes [un peu plus de 2 milliards d'euros]. Conclusions du rapport : il faudrait, dit le bureau d'études, demander une garantie de l'Etat pour les Jeux de l'ordre de 28,6 milliards [environ 3,8 milliards d'euros]. 

Tsunami ! Le FrP (bientôt premier parti de Norvège, si ce n'est déjà le cas) jubile, parle de scandale financier, de magouilles, etc. Arbeiderpartiet (au pouvoir) affirme que tout n'est pas perdu et que de toute façon, si l'on veut les Jeux, il faut accepter d'y mettre le prix, et puis, l'argent investi le sera au bénéfice de la région, etc. Mais l'on sent bien que cela sonne creux. Et pour cause. Si AP se déclare contre les Jeux, c'en est fini, mais d'un autre côté, difficile d'approuver un doublement du budget - et la crise financière mondiale actuelle n'arrange rien. Quant à la droite (Høyre), elle maugrée "tout haut" ce que AP a dû penser tout bas : on voudrait bien les Jeux, mais quand même, ça fait ch(i)er (j'ai pas pu m'empêcher :p ).

Et dans la population, cela vacille aussi sérieusement. Tout d'un coup, une majorité d'habitants (selon des sondages non-officiels, mais on n'est pas à ça près) pense que la ville n'organisera pas la compétition.

Pendant ce temps, Oslo plante un bâton de ski (ou un harpon de baleinier, au choix) dans le dos de Tromsø, en se proposant pour les JO d'hiver 2022, "si bien entendu le gouvernement et les autorités sportives le veulent bien" (dirent-ils d'une voix mielleuse). "Mais qui dit que, si vous organisiez les Jeux, votre budget à vous n'augmenterait pas de la même façon ?" Réponse : "Notre budget augmenterait peut-être, mais il ne doublerait sûrement pas." [quelle argumentation]

Finalement, le lundi 6 octobre, les autorités sportives rendent leur décision : pas de JO à Tromsø. Fin de l'histoire.

Tromso2018_Deltakerlandsbyen

Bye-bye les JO !

AP affirme que cette décision émane des autorités sportives et pas du gouvernement, et donc que cela ne devrait pas faire perdre de voix au parti pour les élections à venir, le 14 septembre 2009 - élections qui s'annoncent difficiles, avec le FrP à plus de 30% dans certains sondages. Mon avis personnel est que le choix d'arrêter les frais est au contraire totalement politique : AP a certainement décidé de mettre très rapidement un terme à cette histoire (un an avant les élections, ça laisse le temps aux gens d'oublier) et d'éviter ainsi de laisser un argument financier (et fiscal...) facile à ses adversaires.

Malgré tout, le choc a été rude en Norvège du Nord. "L'annulation" des JO a été immédiatement mis par certains sur le dos de l'ancienne et tenace opposition Nord-Sud. Les annonces faites par Oslo ont fortement contribué à dégrader le climat. L'idée est tenace, que le Sud en veut au Nord, que le Sud décide de tout, que le Nord est volontairement oublié et dénigré, etc. Un hurluberlu (non, ce n'est pas moi !) proclame sur le forum internet du Tromsø Bladet que le Nord de la Norvège devrait se séparer du Sud - prenant exemple sur la Belgique la Tchécoslovaquie. Idiot, mais symptômatique d'un certain état d'esprit ici. Combien profonde sera la cicatrice ? L'avenir le dira.

En attendant, mes deux professeurs de norvégien étaient bien contentes de ce refus - et ce ne sont pas les seules (70% d'opinions favorables, certes, mais ça fait tout de même 30% de défavorables !).

J'ajouterai que les forcenés de l'olympisme, à Tromsø, ont déjà commencé à parler de 2026, ce à quoi les autorités sportives ont répondu "Tja..." ("Mouais..."). Courage, c'est bien parti...

Ce qui est amusant tout de même avec cette histoire, c'est que Tromsø a eu le temps de gagner les JO, de mettre en place un projet pour les organiser, d'embraser toute une région [le premier jour de la semaine d'accueil des étudiants internationaux, le doyen de l'université nous a souhaité la bienvenue dans la ville qui allait recevoir les JO de 2018], et de finalement jeter le tout à la poubelle, alors qu'en France, le choix de la ville candidate n'est toujours pas tranché (il reste trois concurrentes : Grenoble, Annecy, et ... Nice ! oui Nice). Comme quoi, rien ne sert de courir !

Les autres villes en course sont nombreuses : PyeongChang en Corée du Sud (qui, dit-on, posera sa candidature jusqu'à ce qu'elle soit acceptée), éventuellement Denver (si Chicago n'obtient pas les JO d'été 2016), encore plus éventuellement un couplé Bulgarie-Serbie (très peu probable après Sotchi), la Suède, l'hémisphère sud avec la Nouvelle-Zélande ou le Chili (Santiago - sauf, sans doute, si Rio de Janeiro gagne les JO 2016). Mais les plus grandes chances sont, semble-t-il, pour Munich, qui deviendrait alors la première ville à avoir organisé les jeux d'hiver et les jeux d'été. Réponse en janvier 2009 pour les candidatures officielles, puis en 2011 pour le choix définitif !

Pour finir, la vidéo de Santiago 2018 (eh oui, voila un article qui, entre son début et sa fin, vous fait naviguer d'un bout à l'autre du monde) :

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Commentaires
T
Bonsoir,<br /> Je suis arrivé ici par hasard, donc je laisse une 'tite trace.<br /> J'étais assez impressionné par la candidature de Tromso, car organiser les J.O. au nord du Cercle Polaire représenterait un défi important et palpitant. C'est donc avec déception que j'ai accueilli la décision de la Norvège d'abandonner "Tromso 2018". Peut-être une prochaine fois...<br /> Amitiés, <br /> Toto Rino
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